Des montagnes aux sommets enneigés, des loups et des ours dans les forêts, des rivières de classe IV, le grand canyon, vous devinez ? Ou plutôt, vous nous croyez si on vous dit Grèce ? En débarquant de nuit à Igoumenitsa, on pensait en tout cas à tout sauf ça. Nos ambitions se résumaient à passer les possibles contrôles d’arrivée (pour rappel, les frontières maritimes de la Grèce sont officiellement fermées), et de rejoindre le BnB qu’on avait réservé (il est minuit et demi, normalement on dort déjà depuis 4 h…). Pour tout contrôle, j’ai eu droit à un frottis covid dans la gorge (dont je n’ai toujours pas vu le resultat). J’ai hésité à d’abord fumer un paquet de cigarettes, histoire de mieux me fondre dans la masse des camionneurs pressés de continuer la route, mais j’ai finalement misé sur le tabagisme passif. Notre logement dans le centre de cette bourgade côtière nous livra son lot de surprises: le propriétaire qui nous attendait depuis 23 h n’avait pas jugé utile de mettre en marche le boiler, donc pas de douche chaude avant le lendemain, le lit qui tombe en morceaux quand je m’assois dessus, 6 moustiques dans la chambre (c’est à dire, 6 fois la séquence [bzzzzzzz – allumage de la petzl – Rhea qui trouve que j’exagère ou hallucine – chasse active – moustiquicide – tentative d’endormissement]), un inconnu qui rentre dans l’appartement quand à moitié nus on brossait nos dents (et avec qui, renseignements pris, on partage l’appartement). Le comble c’est que le propriétaire nous avait dit en nous tendant les clés qu’il nous mettrait une review de 5 étoiles, et qu’il s’attendait à ce qu’on en fasse de même.
Frais comme des gardons, et les sacoches remplies de tomates (si si), fêta, cacahuètes grillées, douceurs au miel et sésame, on entame notre Odyssée à travers la Grèce. Le soleil confirme ce que la carte topographique annonçait: c’est pas le plat pays ici ! On est dans la région de l’Épire, dans le Nord, à la frontière albanaise, qui est traversée par la chaîne de montagnes du Pindus, une des distantes ramifications des Alpes. Bref, ça grimpe sévère. Je choisis régulièrement de pousser mon vélo plutôt que d’essayer de suivre Rhéa, qui m’attend alors un peu plus haut, rouge et en sueur, mais heureuse. Au-delà de la beauté de la région complètement épargnée par le tourisme centré sur Athènes et les îles, le plus marquant est la gentillesse et l’hospitalité des gens. Pas une voiture qui passe sans un geste de la main ou un coup de klaxon encourageant. En remplissant nos gourdes à une fontaine, une petite vieille sort de chez elle et nous apporte sans un mot deux morceaux de cake fraîchement sortis du four. Et puis, Zitsa, qui vaudrait bien un article de blog à lui tout seul…
Zitsa, c’est un village, ou plutôt une communauté tant les liens sociaux sont ici très forts. On y est introduit par Kostas, le boulanger, avec qui nous étions en contact via WarmShowers. Il a hérité de ’La Boulangerie du Village’ comme elle s’appelle, qu’il continue à tenir avec sa maman et sa femme Anna, avocate américaine de Boston qui est passée par là il y a une dizaine d’année et n’en est plus jamais répartie… la magie opère ici ! Après deux heures passées à discuter et déguster, la moitié du village est évidemment au courant de notre passage, ce qui fait qu’on n’a pas fait 3 km en dehors du village avant d’être arrêtés par une personne gesticulant sur le bord de la route qui nous lance un souriant ’Hoi jongens, ik ben Emy, ik kom uit Breda’. Une tasse de thé avec elle et Simon, son copain allemand avec qui ielles voyagent en van, se transforme vite en apero quand Tassos, le propriétaire du terrain, débarque de son atelier avec quelques bouteilles en verre de 50 cl sans étiquette de vin rosé pétillant fait maison, spécialité du village, suivi de Voula, sa femme, avec deux assiettes de tzatziki et salade grecque à partager. On tchine et retchine, et discute par Google Traduction interposé. On est invité à partager un repas avec eux, leur famille et ami.e.s le lendemain, jour de fête et abondance pré-carême, avec souflakis et côtelettes d’agneau grillées au menu, mais aussi de la verdure, dolmas, fêta, pois chiches grillés, tzatzikis et autres mets végétariens en abondance. On a d’ailleurs appris une façon radicale d’expliquer le mot ’végétarien’ avec des gestes quand Tassos s’est penché par terre pour arracher une poignée d’herbe et la tendre à Rhéa avec un grand sourire. Difficile de décliner une telle proposition, surtout que le vin rendait tout vélo impossible, et qu’il y avait trop de toutous à caresser que pour que Rhea en soit rassasiée après quelques heures. On ne pédalera plus ce jour-là ni le lendemain et surlendemain. Quel couple attachant, ils me rappellent fort Papy et Mamy. C’est très émus qu’on les a quittés, avec une forte envie de revenir pour une période plus longue, par exemple pour la récolte ou la vinification.
La suite se résume à beaucoup de montées où ça chauffe (en autre jusqu’à un point de vue epoustouflant sur la Vikos Gorge, un des canyons les plus profonds au monde) et de descentes glaciales (l’air est très très frais, il y a encore de la neige à certains endroits). On passe notre temps à mettre et enlever des couches au gré du relief, et à loger sous tente en bord de route ou rivière, dans des paysages somptueux.
On recommande vivement la région et surtout le Northern Pindos National Park à tous les amoureux.ses de nature et d’activités extérieures !
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