Svaneti

Les premiers 20 km en Géorgie, depuis le poste frontière jusqu’à Batumi, se font sous la pluie, pour changer ! Clairement, le climat sur la côte de la mer noire est beaucoup plus tropical qu’en Anatolie ou au Kurdistan: chaleur, humidité, nature luxuriante. Afin de commencer notre périple avec une valeur sûre après l’impression mitigée de la zone frontalière, nous nous rendons directement au ’Heart of Batumi’, un restaurant dans la vieille ville vivement recommandé par des amis. Au menu: bortsch, salade géorgienne (concombres, tomates, oignons doux, sauce aux noix), roulade d’aubergines grillées aux noix (ils adorent les noix, vous l’aurez compris), khachapuri (sorte de calzone au fromage), aubergines farcies (ils adorent les aubergines aussi)… un régal, qualitatif et quantitatif. Afin de ne pas s’embêter avec de grands comparatifs des prix du marché hotellier dans cette station balnéaire hautement touristique, nous décidons d’aller dans l’hôtel à côté du restaurant, non sans avoir négocié le prix sévèrement. La Turquie nous aura bien drillé à ce niveau-là ! Pendant que Rhea donne une présentation par téléconférence suite au prix prestigieux qu’elle gagné avec sa thèse, je m’aventure dans la ville à la recherche d’un nouveau casque de vélo. Batumi ne me fera pas grande impression, ou peut-être est-ce un avis biaisé par le fait d’avoir été très soudainement téléporté à la côte alors qu’on comptait passer la frontière dans les montagnes.

Les montagnes en Géorgie, ça tombe bien, il y en a plein. Entre la chaîne du Caucase du Nord, qui avec ses sommets à plus de 5000 m d’altitude marque la frontière avec la Russie, et la chaîne du Caucase du Sud, qui marque la frontière avec la Turquie et l’Arménie, il y a l’embarras du choix ! Pour nous aider dans notre itinéraire, nous nous inspirons d’un tracé issu du site bikepacking.com, une référence en la matière. Et puis, vu que l’on n’ira pas davantage vers l’Est, on aborde différemment la visite du pays, choisissant davantage les chemins et lieux que nous visitons sans réel objectif de traversée de bout en bout. Notre route nous emmène d’abord à Svaneti, région montagneuse du Nord-Ouest, que nous rejoignons d’une traite depuis la côte. 127 km en une journée, record battu, en partie grâce à Stef qui m’envoie en direct une playlist de musique pour cruiser dans les derniers kilomètres ! Le contraste entre l’intérieur des terres et le luxe des hôtels de la côte est énorme. Fait amusant, en marge des chiens, vaches, et poules qui courent en liberté sur la rue, c’est le grand retour des cochons, et c’est vraiment chouette de ne voir aucun de ces animaux privé de liberté, mais plutôt laissés libres de vagabonder aux alentours de leur domicile. Épuisés, mais heureux on dort ce soir-là dans une guesthouse au décorum assez rustique. Lit qui craque, matelas à ressort, tête de lit monumentale,… rien à y faire, on dort comme des loirs. Le petit-déjeuner laisse par contre à désirer. Biscottes et confiture… et vodka, que l’on a gentiment refusée.

La montée vers Mestia se fait en longeant la rivière Enguri dans une vallée encaissée aux paysages grandioses. Sans doute une des plus belles routes que nous avons parcouru jusqu’à présent, et la seule de la vallée. Tout le ’trafic’ (au sens propre comme au sens figuré) passe par là. On se fait donc régulièrement dépasser par des marshutkas, sorte de minibus qui servent de transports en commun entre villes et villages, mais aussi de petit transport de fret quand il reste de la place sur un siège ou sur le toit. La moitié ont le volant à droite car la Géorgie importe nombre de voitures de 2e (ou 3e ou…) depuis le Japon. L’autre moitié vient… de chez nous ! On a ainsi vu l’ancienne camionnette de ’Slagerij Robeet Roeselaar’ ou ’Jardinage Simon et fils Feluy’ passer devant nous. Enfin.., voitures, camionnettes, minibus… on pourrait plutôt dire épaves car la plupart n’ont plus de bas de caisse, de coffre,… la faute à la qualité des routes et aux hivers rigoureux ?

Dans cette montée de plus de 100 km et 4000 D+, on fait étape dans une des nombreuses cabanes/auberges qui parsèment la route. Une fois la tente plantée dans le terrain vague d’à côté, on entre et y trouve une seule tablée d’hommes en train d’attendre leur souper. Ils nous invitent à se joindre à eux, et nous expliquent qu’ils sont électriciens et travaillent à la construction du nouveau barrage et centrale hydroélectrique (Ô drame écologique). Jusque là rien d’étonnant. Sauf quand on se rend compte que les bouteilles de Coca-cola ne sont remplies ni de soda ni d’eau, mais de chacha (vodka locale titrant les 50-60%), et de vin fait maison, qu’ils affonent verre après verre, ou plutôt toast après toast, car à chaque fois l’un d’entre eux prend la parole tandis que les autres l’écoutent religieusement. Nous ne tardons donc pas à prendre congé tant de telles quantités d’alcool nous effraient un peu, non sans avoir remercié la tenancière de l’auberge pour la succulente nourriture. Ceci dit, ils étaient tous réveillés le lendemain matin avant nous, bon pied bon œil, sans séquelle apparente de la veille !

L’arrivée à Mestia est synonyme de réunion avec Florian et Aline, le couple d’anesthésistes suisses avec qui nous avions sympathisé en Turquie, et qui, en attendant un visa pour le Pamir, ont décidé de pédaler dans le Caucase. Nous faisons également la connaissance de Duho (ou Tofu de son surnom), cycliste sud-coréen en vadrouille en Europe depuis 2 ans ! Nous logeons dans une guesthouse avec demi-pension (dont le menu est unique: salade avec beaucoup d’aneth – leur herbe préférée, œufs, fromage, cake), ce qui nous permet de faire des promenade dans les environs. Rhea réussit à me convaincre de monter jusqu’à un point de vue pour le lever du soleil (oui oui, le lever, pas le coucher). Réveil à 5h donc, et puis 750 D+ très raide. Heureusement que j’avais rempli mes poches de cake pour me donner du courage. La vue en valait cependant largement la peine. Sauf que la descente sera source de courbatures pour les 3 jours qui suivront… clairement, le vélo n’entraîne pas tous les muscles de manière uniforme ! Le soir, nous allons au cinéma voir Dede, un film géorgien réalisé par une locale en Svanétien avec des acteurs et actrices du cru, et récipient de très nombreux prix à l’internationale. C’est également le seul film à l’affiche car la salle de cinéma est tenue par la sœur de la réalisatrice et se compose de 20 poufs devant un mur blanc. Un vrai cinéma intimiste diraient certain.e.s, et surtout une super façon de se plonger dans l’ambiance de la vie locale dans les années 80.

La plupart des touristes font demi-tour à Mestia (souvent appelée ’la petite suisse’ pour ses paysages), mais nous continuons jusque Ushguli, dernier patelin habité de la vallée. La route qui y mène est de plus en plus chaotique au fur et à mesure que l’on s’en rapproche, et s’apparente davantage à du VTT à la fin. Ushguli est en fond de vallée, au pied d’un glacier et du Shkhara, le plus haut sommet de Géorgie, culminant à 5193 m d’altitude: ambiance de bout du monde assurée. Nous camperons une fois sur une colline près du village nous offrant un magnifique panorama sur ses tours de défense Svanétiennes (et à proximité d’une antenne 4G pour pouvoir regarder le match des diables), et une fois près du glacier, non sans avoir dû retirer nos souliers pour franchir les quelques torrents qui s’en écoulent. Le reste des touristes fait demi-tour à Ushguli, mais nous continuons le semblant de route qui s’élève vers le col de Zagaros. En montant vers Mestia, on avait croisé deux cyclistes ukrainiens qui en venaient et qui nous ont confirmé qu’il était possible de passer mais que c’était sportif… boue et congères garanties. Ça s’annonce davantage hike-a-bike que VTT, on va pouvoir à nouveau tester nos limites et celles de nos vélos !

Travelers' Map is loading...
If you see this after your page is loaded completely, leafletJS files are missing.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

This site is protected by reCAPTCHA and the Google Privacy Policy and Terms of Service apply.