Cappadocia

La présence de Céline et Thomas ces derniers jours m’a permis de ne pas trop penser à l’événement important prévu ce jour, à savoir un entretien d’embauche en vue d’aller travailler à la station belge de recherche scientifique en Antarctique. J’étais parti en voyage avec l’envie de réfléchir à ce que je voulais faire professionnellement au retour. Quitter le monde académique après y avoir passé tant de temps et investi tant d’énergie n’est pas une sinécure. Travailler en Antarctique, entre recherche scientifique et ingénierie, était une idée qui avait doucement commencé à germer l’année passée, et qui n’a fait que grandir en cours de route. Covid (et flexibilité des coordinateurs de la station) aidant, l’interview allait se faire à distance par visioconference. Restait juste à trouver un endroit calme avec un bon réseau 4G (après les déboires de l’interview de Rhea, on ne compte plus que sur notre tablette et carte sim). Il est vite apparu que l’option la plus sage était de se rendre à la ville suivante, Aksaray, 180 km d’autoroute inintéressante à travers la plaine plus loin. On a donc décidé de faire du stop, surtout qu’un orage grondait dans les montagnes que l’on venait de quitter, et se rapprochait tout doucement. La chance nous sourit quand un chauffeur arrête son camion remplis de bonbonnes de gaz, et nous invite d’un geste de la main à poser nos vélos dessus et puis à monter dans la cabine. On est un peu serré mais la conversation via Google Traduction va bon train, facilitée par un gobelet de thé reçu à la pompe à essence suivante. Pas trop pressé, le chauffeur nous propose d’aller visiter en chemin le magnifique caravansérail de Sultanhani, ancienne halte et lieu de marché pour les caravanes parcourant la route de la soie.

Arrivés à Aksaray, on mange un cigköfte et puis je m’installe dans le lobby d’un hôtel, à decompter les minutes avant le début de l’interview, qui finalement se passera très bien (dixit Rhéa, assise à la table d’à côté en train de dessiner des mandalas tout en écoutant la conversation). Ouf, voilà une bonne chose de faite, surtout que nos deux interviews professionnelles nous avaient assez bien extraites de notre voyage, et refait surgir des questions et réflexions qu’on avait plutôt décidé de mettre au frigo pendant quelques mois !

Devant nous s’étend la Cappadoce, dont nous apprécions les premiers paysages dès le soir même, lorsqu’on pédale une trentaine de kilomètres avant d’établir notre campement pour la nuit, au bord d’une rivière, dans une vallée creusée dans les hauts plateaux rocheux. Plusieurs voitures passent ce soir là sur le chemin qui longe la rivière et que l’on pensait en cul-de-sac. Certains faits et gestes des locaux restent de vrais mystères… !

Au menu du lendemain, une randonnée cyclopédèstre (on a dû un peu porter les vélos…) dans la Ilhara Valley, connue pour ses nombreux habitats troglodytes, mais aussi pour sa cathédrale taillée dans la pierre où les premières communautés de chrétiens célébraient la messe en cachette. Le beau ciel étoilé ce soir-là me permet de m’essayer à la photographie nocturne, aidé par les bons conseils de Thomas, et le trépied qu’on a acheté dans le bazar d’Istanbul.

La vie furtive des premiers chrétiens se poursuivait sous terre, dans de vastes cités souterraines, dont la plus grande se situe à Derinkuyu, un peu plus loin sur le chemin qu’un turco-marseillais nous a renseigné dans un français à l’accent piquant. Pendant la pause de midi, on rencontre une amstelodamoise qui a émigré en Turquie où elle s’est mariée. Elle lève un peu le voile sur certaines réalités de la vie locale, dont la plus choquante pour nous fut son explication du système de pension alimentaire. Le montant que le père doit payer à la mère en cas de séparation est fixe, et dû mensuellement jusqu’au 18 ans de l’enfant. En cas d’insolvabilité, direction la prison pendant 3 mois ! Ce soir-là, Rhéa répare notre première crevaison en 4000 km, il fallait bien que ça arrive jour…

Arrivés à Derinkuyu, nos chemins se séparent. Thomas et Céline continuent à vélo tandis que nous laissons nos vélos dans un hôtel le temps d’aller chercher Amy, la sœur de Rhéa, qui arrive à Ankara pour passer une dizaine de jours en notre compagnie. Nous rendre à l’aéroport (à 350 km de là) nous prendra au final plus de temps qu’il n’en faudra à Amy pour parcourir les 3500 km séparant Hoeilaart d’Ankara. On était pourtant partis à temps, mais une mauvaise correspondance de bus nous a forcé à faire du stop. Chance (ou malchance ?) un camionneur qui roule vers Ankara s’arrête et nous fait monter. Le problème c’est qu’il fait du 70 km/h de moyenne car il transporte 42 tonnes de blocs de béton, doit faire des pauses obligatoires (dans des restaurants d’autoroute délicieux où il a ses habitudes), et ne prend pas l’autoroute pour éviter les péages. Le verdict est sans appel, on réalise vite qu’on sera (un peu ou beaucoup, ceci est laissé à votre propre interprétation) en retard de 2h. Ah oui, à proximité d’Ankara on a aussi dû faire peser le camion, et cacher Rhea qui voyageait/dormait sur la banquette arrière dépourvue de ceinture de sécurité, à l’approche des contrôles de police. Yusuf, le chauffeur, fan du Trabzon football club dont il nous a offert de nombreux accessoires, nous a finalement déposé sur une bretelle d’autoroute où il avait donné rendez-vous à un taxi, qui nous a acheminé fissa fissa vers l’aéroport. Grâce aux merveilles de la communication digitale, on avait pu prévenir Amy de notre retard, et on fut tout heureux de la retrouver, tout sourire et en chair et en os, assise sur un banc en train de lire. De nombreux câlins et embrassades plus tard, on se retrouve dans une Renault Symbol de location, à papoter et à avaler non seulement les kilomètres mais aussi de délicieuses nouilles Udon aux poivrons et tofu (plat préféré de Rhéa), que sa chère maman avait glissé dans le bagage en soute.

Au réveil, on fait découvrir à Amy (malgré le confinement strict qui vient de commencer mais ne s’applique pas aux touristes) quelques délicieusetés pour le petit-déjeuner avant d’entamer la visite de la ville souterraine, qui s’étend sur plusieurs étages et jusqu’à 30 mètres de profondeur, et pouvait accueillir jusqu’à 20 000 personnes ainsi que du bétail. Autant dire qu’il ne vallait mieux pas être claustrophobe car à part quelques flèches sur les murs et ampoules électriques, c’était assez authentique. On aurait mieux fait de prendre nos lampes frontales au cas où ! L’après-midi, on roule vers Göreme et son parc naturel féerique, connu pour ses paysages de roches roses et blanches en forme de champignons et cheminées, que l’on observe généralement en montgolfière. On profite de cette première nuit de camping sauvage sur un plateau dominant le paysage que pour manger une fondue fromage sur notre réchaud, que ma chère maman avait également glissé dans le bagage d’Amy. Heureusement qu’on a pu trouver en stoemelings deux bouteilles de vin blanc malgré le ramadan ! Au programme du lendemain et surlendemain: balades, papote, nuit à l’hôtel avec piscine, buffet petit-déjeuner royal,… un peu les vacances, quoi !

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